Paris, le 21 mars 2023.
Une dernière promesse
Comment dire au-revoir à sa maman ?
Devoir se résoudre à lui faire ses adieux, c’est un peu se résoudre à abandonner une partie de soi-même. J’ai souvent entendu dire ma maman que s’il arrivait quelque chose à l’un de ses enfants, elle ne s’en remettrait jamais, que ce serait comme si une partie d’elle-même mourrait avec lui. Mais l’inverse est vrai aussi. Ma mère m’a porté pendant 9 mois, elle m’a nourri de son lait, elle m’a élevé pendant 18 ans.
Peut-il exister un lien plus fort entre deux personnes ? Je ne pense pas. Chaque jour de ma vie qui passait, j’avais conscience qu’elle était là quoi qu’il puisse arriver, et l’absurde certitude qu’elle serait toujours là.
Aujourd’hui, pourtant, elle n’est plus là. Et à cause de cette absurde certitude que je ne la perdrais jamais, je n’ai pas pris le temps de lui dire tout ce que j’aurais aimé lui dire. Je ne lui ai pas dit que grâce à elle, mon enfance avait un parfum délicat de bonheur, de tendresse et de succulents gâteaux. Je ne lui ai pas dit que chacun des baisers qu’elle avait déposé sur mes joues fleurissait éternellement dans ma mémoire, que le souvenir de ma main dans la sienne m’a toujours accompagné, même à l’âge adulte.
Je ne lui ai pas dit toute l’admiration que je lui portais en tant que femme, fière et forte, et en tant que mère, dévouée à ses enfants. Je ne lui ai pas dit quel modèle de vertu et de sagesse elle fut pour moi. Je ne lui ai pas dit combien je la trouvais belle, même quand son visage s’imprégnait peu à peu de l’empreinte du temps. Je lui ai dit que je l’aimais, parfois, mais je ne lui ai pas dit assez. Je ne lui ai pas dit que mon cœur débordait d’amour pour elle, comme aujourd’hui il déborde de tristesse.
Maman, je veux croire que tu es encore là ce matin et que tu entends ces quelques mots que je t’adresse, ainsi qu’une dernière promesse. Je te dois la vie, et je te dois en grande partie ce que je suis devenu. Mon chagrin de te perdre est immense et pour toujours, il demeurera en moi un vide, un no man’s land glacé. Mais à chaque pas que je continuerai à faire malgré tout, je penserai à toi, à ce que tu m’as enseigné, à ce que tu m’aurais conseillé, et ainsi tu pourras continuer à vivre un peu, par moi, pour toujours.
Car même si tu n’étais pas immortelle comme j’aimais à le penser, mon amour pour toi l’est.